Traversée classique simplifiée des Gastlosen

Cet article vous est proposé par Éric Charlet.

Mais quelle belle région que la Gruyère ! J’avais en tête de traversée cette chaîne de calcaire il y a très longtemps ! Cette année je me suis promis de le faire ! J’y suis allé une première fois, la fleur au fusil, en zigzaguant entre les béquets et en me prenant un orage d’ailleurs… Ambiance ! Je publie quelques photos sur le groupe Whatsapp de l’association et BIIMMM ! Pleins de personnes sont enthousiastes à faire cette traversée ! Allez hop, on va y retourner alors ! C’est tellement beau et cette fois, je grimperai au sommet de ces nombreux pics ! Sur la route, je reconnais le camion de Nina Caprez, célèbre grimpeuse suisse qui m’a donné envie de grimper avec son film ‘Silbergeiger’. Je lui tape la causette et reviens avec les jambes toutes flagada d’avoir rencontré une de mes idoles. Elle enchaînera ‘Yeah man’ une grande voie en 8b+ le lendemain.

On se retrouve avec une équipe mélangée entre PMS et les copains/copines au parking de l’Obergrat à 9h, on paie la taxe. Il fait grand beau, la météo est stable. On se répartit le matos, cordes, friends, coinceurs… et go pour l’heure de marche d’approche ! Celle-ci met l’ambiance et il faut utiliser les mains sur le rocher sans avoir les pieds qui zippent sur le gravier. Il est 10h, on est au col de l’Oberberg et on se prépare. Vu qu’on ne se connaît pas/peu, qu’il y a du monde sur l’arête et qu’on est à l’ombre, on révise les techniques pour poser les relais et mettre des friends.

Parfait, on est prêt et on s’insère dans la file indienne en 3 cordées de binômes, Nicolas et Vincent, Camille et Camille et Daniel et votre serviteur. Je pars devant et voit une belle fissure qui rejoint l’arête un peu plus loin. Je ne peux résister et avec Daniel, on se chauffe dans du 5c montagne. Pendant ce temps-là, les copains sont sur l’arête, du monde se prépare au col. Camille en tête fait partir un beau rocher en l’effleurant ! Il explose 20 mètres plus bas, heureusement sans atteindre personne. On est chanceux, la journée aurait pu se terminer ici. Nous arrivons au crux, le 5b+ patiné de l’Eggturm. J’y passe sans esthétisme au contraire de Camille qui pose un super talon de l’espace ! La classe absolue !!

Moment de détente, selfie et sandwich au sommet. Ensuite c’est une descente scabreuse entre gravier et terre humide. Le pied doit être sûr ! On contourne le Petit Pouce pour s’attaquer au Grand Pouce. Deux longueurs de 5b avec 5 spits au total. On fera une seule longueur et on complétera avec nos friends si on ne les a pas oubliés dans le sac… C’était bien engagé par moment et grimper en chaussure d’approche n’était pas une bonne idée ! :-D Cette longueur nous as bien usée physiquement et mentalement. On commence à se rendre compte qu’il faut qu’on avance car on est à la bourre. On contourne le chat, on gravit la Pyramide en vitesse. Je mets un coup d’accélérateur à la descente et me retrouve rapidement dans le dièdre péteux des Marchzähne. Pendant ce temps, les copains se perdent dans la descente scabreuse. Mes mauvaises indications n’aident pas non plus… Désolé ! Pour gagner du temps, je monte un système de moulinette pour ce mur. J’assure en second les 5 copains comme ça, c’est moins expo, plus rapide et ça me fait les bras.


La suite c’est de la traversée se fait sans encordement. Ce n’est pas compliqué mais c’est expo et la chute n’est pas une option. Tout le monde se sent bien et ça nous permet d’avancer rapidement dans ce genre de terrain difficilement protégeable de toute manière. J’installe quand même une main courante pour un passage et Daniel en teste la résistance. La dernière longueur est ultra expo en III. Je passe devant, il n’y a qu’un spit sur la traversée oblique. Je remets mon système de moulinette en étant vaché à la croix pour plus de sécurité. On est au sommet du dernier sommet Glattewandspitze ! Je mouline les copains sur les 50m pour éviter les manips de rappel et deux allemands profite aussi de l’installation car leur corde s’est coupée lors d’une chute de pierres. Le ciel est magnifique, le soleil se couchera dans une grosse heure, on est fatigué mais le moral est bon et on s’entend super bien !

On a fini la partie grimpe, plus que le retour à pieds, Youpi !! Ah non on doit remettre les baudards après 100m, il y a une main courante à poser pour passer 5 mètres exposés à la chute. Bon après ça c’est bon, c’est rando façon Gastlosen. C’est-à-dire que le chemin est difficile à trouver et qu’il est aussi difficile à ne pas perdre. Les cairns, le bon sens et mes souvenirs aideront à trouver la bonne sente ! Dernière grosse remontée dans une combe, un rocher de la taille d’une machine à laver se détache et déboule droit sur le sentier. A la dernière seconde avec Vincent, on l’évite. Il passera à moins d’un mètre. Camille s’était arrêtée bien plus bas. Nous sommes CHANCEUX !!! Nous testons les autres rochers pour purger, rien ne bouge pour le moment…

Après toutes ces péripéties, nous sommes enfin au Col des Moutons. Petite pause hydratation, 2.5 litres par personne n’aura pas suffit pour bien nous hydrater. Finalement, nous n’avons plus qu’à descendre cette large combe pour rejoindre le sentier du bas ! Nous sommes tous très fatigués et le retour à la voiture se fait, comme le reste de la course, dans la bonne humeur.

Il est 21h30 quand nous arrivons à la voiture avec des yeux pleins d’étoiles et les jambes lourdes après plus de douze heures d’efforts ! Tout s’est bien passé, nous avons bien géré la course et avons eu de la chance avec les chutes de pierres. C’est une des plus belles arêtes des Alpes et nous comprenons tous pourquoi. Chacun se souviendra longtemps de cette journée incroyable ! La grimpe est belle, le paysage est beau, la vie est magnifique ! Merci les copains pour cette sortie !