Escalade au Mali

Ce texte vous est proposé par Julien Hubleur.


Une école et des voies, des voies et une école.

Un lundi soir comme un autre, nous sommes en train de grimper à la salle d’escalade de Gland avec une équipe d’habitués, lorsque arrivent à mes oreilles les mots suivants : ouvrir des voies, Afrique, explorer un nouveau secteur… C’est alors que je suis pris dans la discussion entre Coco et François. Ils me proposent de partir en Afrique avec eux au mois de janvier pour grimper et ouvrir des voies.

Histoire de planter un peu le décors : Coco organise régulièrement des évènements afin d’aider le développement de l’école française de sa nièce qui se trouve à Bamako. L’idée principale est d’aller équiper une petite falaise surplombant le village de Moriba se trouvant à proximité de Bamako. Tout ça pour compléter le mur de grimpe installé récemment au milieu de la court d’école.

Le grand jour est arrivé. J’attrape mes bagages et les charge dans la voiture. Rebecca, ma chérie, a la gentillesse de me déposer à l’aéroport. Je me rends compte que nous avons une avance considérable. Coco, grande organisatrice, a prévu bien de la marge. Je ne suis pas encadré par des amateurs. À l’heure convenue, je reçois un message m’annonçant que Coco et François auront quelques minutes de retard… Standard !


Arrivés sur le tarmac de l’aéroport de Bamako, il est une heure et demi du matin. À peine sorti de l’avion, je commence à scruter l’horizon : quelques lumières, le terminal et… Rien ! Je me demande où nous sommes arrivés et à quoi ressemble cet endroit. Nous traversons l’aéroport traînant tant bien que mal nos valises. Je m’attends au pire en passant les derniers contrôles d’entrée dans le pays. Il faut dire que j’ai un marteau-perforateur dans la valise et deux grosses batteries dans mon sac à dos qui font vaguement penser à des charges explosives, comme on me l’a fait remarquer au contrôle de sécurité de l’aéroport de Genève. François a une vingtaine de kilos de ferraille dans son sac à dos et Coco a emporté une épicerie bien de chez nous dans ses valises. Nous pouvons toujours troquer une fondue contre un laisser-passer. Nous parvenons à rejoindre la sortie et rencontrons enfin Sarah, toute petite, au beau milieu d’une foule attendant les arrivants. Elle est facile à reconnaître ! Une fois sur la route, Jonathan fait une remarque pertinente :

  • La route est plutôt bonne par ici ! Je m’attendais à voir une vraie route africaine.

Sarah lui répond :

  • Attends, tu vas voir plus loin !

Quelques minutes plus tard, nous commençons à slalomer entre les nids de poule. Des camionnettes nous dépassent avec des bonhommes suspendus à moitié en équilibre entre le toit du véhicule et le pare-choc arrière. Welcome to Bamako!

Une fois à Moriba, nous découvrons la petite maison de Sarah, les six chiens et six chiots qui habitent la terrasse. Un concert d’aboiements nous accueille au beau milieu de la nuit. Afin de célébrer notre arrivée, nous prenons une petite bière : enfin arrivés… Yeah !

Deux jours plus tard, nous partons pour Siby. Notre départ se résume à trois mots : changer la roue. Nous y parvenons tant bien que mal et nous nous remettons immédiatement en route.

La vielle golf dont nous disposons sent l’essence. Elle touche parterre lorsque nous franchissons des dos d’âne. C’est parti pour un entraînement spécial : descendre et monter rapidement de la voiture. Je vous laisse imaginer ce que ça donne, lorsque quatre blancs descendent et montent dans une voiture au beau milieu de la ville de Bamako. À ce moment-là, on se sent un peu seul ! Deux heures plus tard, nous découvrons le gîte dans lequel nous allons séjourner. Il s’agit d’une ferme se situant au milieu d’une plantation de manguiers, entourée de falaises rouges, jaunes et oranges, au pied de la célèbre arche de Karmadjan. Nous entrons dans nos chambres, respectivement nos cahutes toutes rondes : une seule pièce, des lits en bambou et des moustiquaires, rien de superflu ! Nous prenons quelques minutes pour nous désaltérer et faire connaissance avec Soumail-la, notre guide. Ce guide malien a suivi sa formation à Chamonix, vit et travaille dans le coin en attendant de pouvoir emmener des gens grimper ou marcher dans la région.

À cet instant, l’excitation est palpable. Coco, Jonathan, François et moi sommes au taquet : l’heure des présentations est arrivée ! Sac au dos, avec seulement un petit litre d’eau par personne, nous décollons pour la falaise la plus proche : un secteur de couennes situé en face de l’arche, orientation sud. François m’assure et me voit soudain me lancer dans un double jeté de côté, c’est là qu’une chouette jaillit de son trou à pleines ailes pour aller parader autour de François. Une heure et demie plus tard, tube de crème solaire et gourdes vidés, nous rentrons à la ferme.

A la fin de nos journées, une séance de réhydratation s’avère nécessaire. Inutile de dire que nous vidons le stock de bières prévues pour la durée du séjour dès le premier soir. Et oui, nous avons une réputation à tenir ! Les repas de la ferme sont extras. Le premier soir, nous avons mis un point d’honneur à terminer tous les plats. Ce que nous n’avons pu assumer les soirs suivants, malgré notre bonne volonté. Nous avons sans doute bénéficié de l’effet de surprise à notre arrivée. Le dernier jour à Siby, nous partons faire un petit raid en 4x4 pour aller nous baigner à la cascade. Et oui j’ai bien dit cascade ! Loin de moi l’idée qu’une cascade puisse couler à flots dans cette région aride. D’où viendrait l’eau ? C’est quelque kilomètres plus loin à travers la brousse que nous découvrons une véritable oasis. Coco, grande déesse des eaux, comme à son habitude, est la première immergée. Il faut dire qu’elle se baigne chaque fois que l’on croise un point d’eau. Encore une belle journée. De retour à la ferme, nous nous activons. Il faut retourner à Moriba et la route ne va pas être une partie de plaisir.


Nous partons à la rencontre des falaises de Moriba à pieds et avec tout le matériel sur le dos pour ouvrir des voies. Depuis la maison de Sarah jusqu’aux falaises, il y a une petite demi-heure de marche. Après une ascension sur friends et coinceurs, nous posons deux cordes afin d’essayer certains passages. À la suite des essais, nous perçons, brossons et posons des spits, qui plus tard brilleront au soleil en attendant le passage des grimpeurs. Les enfants du village viennent à maintes reprises pour voir ce que nous les toubabous, faisons sur leur terres.

Le reste du temps, nous travaillons sous ce soleil de plomb, avec très peu d’ombre et une chaleur à tuer un éléphant. Nous ouvrons différentes voies de différents niveau, que nous espérons accessibles aux enfants de l’école.

Pour compléter ce voyage, nous allons aussi éditer un petit topo, et oui, je dis bien petit car il n’y a actuellement que huit voies sur ce rocher.

Nous avons tous la motivation de pouvoir repartir bientôt pour de nouvelles aventures d'escalade au Mali, ou ailleurs.